À la demande du CNC, l’ancien directeur général d’UGC et d’Ymagis a mené une réflexion sur la salle de cinéma de demain. Pour Le film français, il lève le voile sur la philosophie de son rapport et dégage 12 pistes de réflexion pour assurer la place primordiale de la salle dans la chaîne de diffusion des films.
Le 9 novembre 2015, Frédérique Bredin, présidente du CNC, confiait à Jean-Marie Dura une mission de réflexion sur la salle de cinéma de demain avec un objectif clair : mieux appréhender les principales mutations rencontrées par l’exploitation. “L’idée de ce rapport est d’ouvrir les fenêtres et regarder un peu en dehors de la France et du secteur, afin de relever les grandes tendances, explique Jean-Marie Dura. Il est nécessaire de s’atteler au plus tôt à forger le cinéma de demain. Car aujourd’hui, c’est déjà demain.”
Après avoir interviewé pas loin d’une centaine de professionnels, exploitants, distributeurs, institutionnels, prestataires techniques, spécialistes des études de marché ou représentants de grands groupes, français comme étrangers, l’ancien directeur général d’UGC et d’Ymagis a dégagé sept tendances émergentes qui s’inscrivent dans la salle de demain : le retour des implantations en centre-ville “par opposition à des multiplexes survitaminés tournés vers le spectaculaire”, note le rapport ; une “course aux innovations technologiques” qui pose également “la question de son financement” ; la prise en compte impérative de l’expérience client pour se distinguer de la concurrence ; une programmation “explosée façon puzzle” (contenus alternatifs…) et un lien renforcé avec le spectateur (notamment via l’appropriation de la vidéo à la demande, susceptible de consolider son rôle d’éditorialisation et de prescripteur) ; la place centrale des smartphones et du big data dans la vie d’une salle “en interaction constante avec le public” ; une hégémonie à venir du marché asiatique, portée par la Chine et l’émergence de grands groupes d’exploitation internationaux. “À mon sens, le principal enjeu des salles de demain repose sur la connectivité et la mobilité, au regard des pratiques des plus jeunes, insiste Jean-Marie Dura. C’est une tendance de fond.”
Le chantier de la data
L’exploitation du big data, c’est-à-dire les données personnelles, affinitaires et de consommation des spectateurs, pourrait donc être un chantier de taille pour la filière hexagonale, et notamment pour l’exploitation et la distribution. “Tout le monde est concerné. Il me semble que dans d’autres pays, ce travail d’échange et de partage de données pour l’intérêt de tous – à savoir maximiser la fréquentation –, a déjà commencé. En France, nous n’avons pas un retard vraiment significatif en la matière, du moins, qui ne soit pas facilement rattrapable. Après, on constate des écarts de moyens évidents selon les exploitants, ainsi qu’une problématique de formation et de génération. Il faut se donner les moyens pour tous de se former et rapidement.”
Afin “d’ouvrir le débat” et de “réfléchir aux voies et moyens de tirer parti” de ces tendances, le rapport de Jean-Marie Dura émet 12 “pistes de réflexion” : simplifier et encourager la création de cinémas en centre-ville ; doter les salles d’une identité architecturale forte ; envisager les cinémas comme des lieux de vie sociale et culturelle, par une “intégration […] avec des partenaires privés ou associatifs, de services culturels et familiaux, tels que crèches ou librairies” ; favoriser les débats et la transmission des savoirs ; accélérer la conversion écologique des cinémas ; créer des espaces dédiés aux jeunes et-ou à la programmation complémentaire, “soit physiquement soit sur le web”, afin de “proposer aux spectateurs des bonus” ; développer le e-gaming, “pour attirer ou conserver le public jeune” ; embrasser la communication et les nouvelles technologies digitales ; renforcer la coopération entre exploitants et distributeurs, notamment sur l’exploitation “intelligente et respectueuse” de la data ; mettre en commun les moyens, les services et les bonnes pratiques pour toutes les salles en deçà d’une certaine taille – “À mon sens, l’avenir d’un certain nombre de cinémas passe forcément par la mutualisation”, réagit Jean-Marie Dura ; apprendre des pratiques, expériences et innovations menées à l’étranger et faire émerger des champions nationaux et européens.
S’inspirer des expériences hors des frontières
Ainsi, pour le rapporteur, “s’ouvrir à ce qui se fait à l’étranger” sera l’un des principaux axes constitutifs de la salle de demain. Il s’inscrit, en cela, dans la continuité du “Rapport sur les pratiques émergentes de l’exploitation cinématographique en Europe”, réalisé par Agnès Salson et Mikael Arnal à l’issue de leur Tour d’Europe des cinémas. “Je m’en suis beaucoup inspiré, reconnaît Jean-Marie Dura. C’est un travail extrêmement pertinent afin de s’informer sur ce qui se passe dans le monde pour évaluer et éventuellement copier ou adapter les meilleurs idées”, il propose, au passage, de “mutualiser au niveau national ce travail de recherche”. Quid de l’organisme pouvant prendre en charge cette veille et ce relais d’information ? “UniFrance est d’accord pour assurer ce travail sur l’exploitation à l’étranger. L’association bénéficie d’un vaste réseau.”
Pour retrouver le rapport complet sur le site du CNC , vous pouvez cliquer ici.
Kevin Bertrand et Sylvain Devarieux – Le FILM FRANCAIS – 27/09/2016 modifié le 28/09
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