La Médiatrice du cinéma publie une recommandation sur les cinémas de deux et trois écrans

Le Film Français  : 21/08/2017 – 11:50

Un an après avoir émis une recommandation sur les conditions d’exposition des films dans les monoécrans, la Médiatrice en publie une nouvelle sur les cinémas de deux et trois salles. Elle y constate notamment, en se basant sur une étude menée en 2015 sur 12 films de distributeurs américains et français, que « dans de nombreux cas, la multiprogrammation des films porteurs dès la première semaine dans [ces] établissements (…) serait davantage génératrice d’entrées ».

En septembre 2016, la Médiatrice du cinéma, Laurence Franceschini, publiait une recommandation relative aux « conditions d’exposition des films dans les cinémas monoécrans », s’inscrivant dans la continuité de l’accord sur les engagements de programmation et de diffusion signé à Cannes le 13 mai 2016. La Médiatrice y annonçait notamment, en conclusion, que « les cinémas de très petite taille » fairaient l’objet d’une étude et d’une concertation plus approfondies avec les organisations professionnelles « dans la perspective de l’élaboration d’une recommandation ».

Recommandation publiée, finalement, un an plus tard. Se penchant sur les « conditions d’exposition des films dans les cinémas de deux et trois écrans », la Médiatrice rappelle d’abord « le principe de distribution sélective reconnu au distributeur par l’autorité de la concurrence, ainsi que la liberté de stratégie qui lui est reconnue pour la sortie de son film », avant de relèver « la conciliation difficile pour les cinémas de deux et trois écrans, compte tenu de leur petite taille, de conjuguer deux impératifs contradictoires : d’une part, une programmation en plein écran souvent requise par les distributeurs, et d’autre part, une diversité de l’offre de films dans un contexte d’augmentation de leur nombre ».

Surtout, elle constate, selon sur une étude menée en 2015 sur la base de 12 films de distributeurs américains et français (Star Wars – Épisode VII : le réveil de la force, 007 Spectre, Jurassic World, Hunger Games : la révolte partie 2, Avengers : l’ère d’Ultron, Les profs 2, Les Minions, Mad Max: Fury Road, Cinquante nuances de Grey, Terminator: Genisys, Pourquoi j’ai pas mangé mon père et Le petit prince, soit 12 des plus gros succès de l’année) auprès de 122 établissements de deux écrans et 78 cinémas de trois écrans les ayant diffusés en sortie nationale, que « dans de nombreux cas, la multiprogrammation des films porteurs dès la première semaine dans ces établissements serait davantage génératrice d’entrées, qu’elle offrirait une durée plus longue de vie au film et permettrait de répondre aux exigences de diversité et de pluralisme voulues par le législateur ».

À titre d’exemple, Star Wars – Épisode VII : le réveil de la force  a réalisé en moyenne 1 345 entrées en première semaine dans les établissements de deux écrans où il était programmé en plein écran en sortie nationale, cumulant en moyenne 2 454 spectateurs par cinéma à la fin de son exploitation pour 4,2 semaines d’exposition, soit 589 tickets par semaine et par établissement. Parallèlement, le film a enregistré en moyenne 1 287 entrées en première semaine dans les cinémas de deux écrans l’ayant multiprogrammé avec deux à cinq autres titres, mais pour un total de 2 880 spectateurs par cinéma en fin de carrière, avec 4,6 semaines d’exposition en moyenne. Tous les chiffres sont consultables dans les annexes de la recommandation.

Aussi, selon Laurence Franceschini, « de manière générale », il ressort notamment de l’étude que :

  • « la multiprogrammation en sortie nationale a généré, dans presque tous les cas, un meilleur ratio entrées/séances en première semaine d’exploitation du film de référence »
  • « la durée d’exploitation s’allonge avec le nombre de films partagés : plus ils sont nombreux, plus la durée d’exploitation du film de référence a été longue »
  • « l’exploitation du film de référence en multiprogrammation dès la semaine 1 a entraîné une moyenne de spectateurs par séance nettement supérieure à celle des établissements qui l’ont exploité en plein programme la même semaine (dans 85% des cas pour les établissements deux écrans et dans 100% des cas pour les établissements trois écrans) […] »
  • « l’éventuelle concentration des séances consacrées au film de référence sur des heures porteuses en première semaine d’exploitation n’est pas avérée […] »
  • « aucun film de référence n’est sorti en plein écran en sortie nationale dans la totalité des établissements de deux ou trois écrans étudiés »
  • « la grande majorité des établissements concernés par cette étude sont des cinémas classés art et essai »
  • « les établissements qui ont pratiqué la multiprogrammation la plus importante ont aussi été les établissements les plus performants en termes d’entrées annuelles dans la majorité des cas »
En conséquence, la Médiatrice « invite les distributeurs, au cours de leurs négociations menées librement avec ces établissements, à s’interroger […] sur ce qu’ils jugent le plus profitable pour le film qu’ils distribuent et les ayants droits qu’ils représentent ». Et d’ajouter : « Il peut être bénéfique pour eux d’envisager, plutôt qu’un modèle systématique de plein programme en première semaine, une valorisation de l’œuvre sur un modèle d’exploitation plus long avec un nombre de séances réduit mais potentiellement plus rentable. Cette pratique, qui devrait alors faire l’objet d’un contrat, pourrait être examinée dès la première semaine. […] Elle incite également à un rallongement de la durée d’exposition du film, facilitant ainsi l’accès des films concurrents aux écrans, dans l’objectif de l’intérêt général. »

Parallèlement, Laurence Franceschini « invite les exploitants des cinémas de deux et trois écrans, à préserver une offre de séances raisonnable, visant […] à garantir à la fois une place suffisante aux films qu’ils souhaitent défendre ainsi qu’aux autres films qui constituent la diversité culturelle de leur offre, notamment quand leur établissement est classé art et essai ». Aussi, « il convient de favoriser une exposition suffisante des films dès leur sortie nationale, en termes de séances et de durée, y compris dans certains cas en multiprogrammation, en tenant compte de la stratégie du distributeur ».

La Médiatrice conclut sa recommandation en indiquant qu’elle « souhaite mettre en œuvre un baromètre régulier de l’exposition des films dans les établissements de deux et trois écrans en l’étendant à d’autres typologies de films, notamment des films art et essai porteurs. Cet outil, à disposition des professionnels, permettrait de se focaliser au besoin sur des zones de concurrence particulières ».

Kevin Bertrand

© crédit photo : Thierry Berthou (photo du Cinos de Berck)