Chronologie des médias : la proposition de réforme du médiateur
Le Film Français : 09/03/2018 – 16:20
Le médiateur Dominique D’Hinnin et François Hurard ont présenté ce matin à toutes les parties impliquées un « scénario de compromis » pour l’évolution des fenêtres de diffusion des films, que Le film français s’est procuré. Un texte sur lequel les professionnels ont jusqu’au 19 mars pour faire un retour.
La proposition dite de « scénario de compromis », présentée ce matin par Dominique D’Hinnin et François Hurard sur les séquences d’exploitations des longs métrages sur les différents supports, comporte un certain nombre de différences avec ce qui avait pu être envisagé (cf. LFF n°3793 du 9 mars 2018). Elle a tenu notamment compte de l’opposition de Canal+ sur la place accordée dans le « scénario cible » (qui avait été d’abord soumis au professionnels auparavant) à des plateformes de vidéo à la demande par abonnement qui voudraient à l’avenir se positionner face à lui. Elle tient également compte de l’opposition connue de l’exploitation à un raccourcissement de son délai de quatre mois, le scénario cible prévoyant un délai de référence pour la salle à trois mois, finalement remis à quatre ici avec un système de dérogation.
Avant d‘y revenir, précisions que la proposition faite aujourd’hui propose une chronologie avec trois niveaux : la chronologie 1, qu’on appellera de référence ; une chronologie niveau 2 qui s’appliquerait aux films qui auraient obtenu une dérogation pour revoir à la baisse le délai de la salle à trois mois – cette dérogation aurait des conséquences sur toutes les autres séquences d’exploitation du film ; et enfin, la chronologie niveau 3 met en place des fenêtres avancées, un dérivatif de mécanisme de fenêtres glissantes. Ce système débute à partir de la 1re fenêtre de télévision gratuite, quand le constat est fait que l’acteur de la fenêtre précédente a signifié son refus de se positionner sur un film.
Le tableau : Voir ici le schéma de chronologie présenté ce matin (avec les trois niveaux)
LES DÉLAIS PROPOSÉS ET LEURS CONDITIONS
La salle et la vidéo
La salle, contrairement à ce qui a pu donc être envisagé dans le scénario cible, verrait sa période d’exclusivité préservée à 4 mois après la sortie d’un film en salle. Toutefois, un système de dérogation, plus ouvert que l’actuel (qui n’est jamais utilisé), serait mis en place : ce système automatique pour « une large majorité des films sortis », dixit le document du médiateur, pour autoriser l’exploitation en vidéo et VàD (EST et locative) à trois mois.
Pour obtenir cette dérogation, les ayants droit auraient à faire une simple déclaration au CNC, avant ou après la sortie en salle. Elle sera « automatiquement mise en œuvre sur la base du nombre d’entrées constatées ou extrapolées », indique le document, sachant néanmoins que le seuil est « à déterminer dans l’accord de façon à ce que une large majorité des films soit concernée ».
En outre, le scénario prévoit, comme attendu, le dégel complet des droits VàD à l’acte sur toutes les autres fenêtres d’exploitation.
Le scénario cible évoque également la possibilité, sans plus de précisions, d’engager des « expérimentations au plan local pour tester des dispositifs innovants. Ces expérimentations, agréées par le CNC, seront temporaires et soumises à évaluation ».
La 1re fenêtre de télévision payante
Les télévisions payantes, Canal+, ainsi qu’OCS on imagine, sous condition d’un accord interprofessionnel avec le cinéma renouvelé pour la période de validité de la nouvelle chronologie, verraient, pour les films en première fenêtre, leur délai avancé à 7 mois après la sortie en salle du film, ou 6 mois en cas de dérogation obtenue sur la salle. La durée d’exclusivité serait alors de 8 mois, ou de 7 mois en cas de dérogation salle.
La 2e fenêtre de télévision payante et la SVàD « vertueuse »
La 2e fenêtre de télévision payante débuterait à 15 mois (ou 13 en cas de dérogation du film sur la salle/vidéo), pour une durée d’exclusivité de 4 mois. Simultanément, les plateformes de SVàD bénéficieraient de la même fenêtre, à condition qu’elles remplissent un certain nombre de critères de vertu : respect de la réglementation sur les Smad et de la législation sur la propriété intellectuelle, paiement de la taxe CNC, conclusion d’un accord avec le cinéma, conventionnement avec le CSA, engagement financier via un MG par abonné sur la base de la concurrence, clause de diversité, engagement sur l’éditorialisation de l’offre de films sur le service.
Le médiateur a donc renoncé à créer une seule fenêtre de 1re fenêtre payante qui aurait mis au même niveau Canal+ (qui avait vivement protesté) et d’éventuels futurs services de SVàD dits vertueux, comme cela était envisagé dans son scénario cible.
1re fenêtre de télévision gratuite
Les grandes chaînes, qui sont soumises à une obligation d’investissement de 3,2% de leur CA dans le 7e art, verraient leur fenêtre ramenée à 19 mois (contre 22 aujourd’hui), avec une possibilité à 17 mois quand le film a obtenu une dérogation salle, le tout pour une période d’exclusivité de 8 mois (ou 7 si dérogation salle). À noter que cela s’appliquerait sous réserve de la conclusion d’un accord interprofessionnel incluant la diffusion des films en TV de rattrapage et l’extension du périmètre des obligations au « groupe ».
En outre, les chaînes bénéficieraient de l’application du hold-back sur la SVàD, comme cela se pratique déjà sur les TV payantes : leur exclusivité interdit l’exploitation parallèle sur un service payant. Par ailleurs, elles pourraient être dans la possibilité de diffuser à 15 mois un film qu’elles auraient coproduits en cas d’absence de 2e fenêtre payante ou d’intérêt d’une plateformes vertueuses.
Autres télévisions gratuites et les platformes de Svàd sans accord avec le cinéma
À 27 mois après la sortie d’un film en salle, ou 24 mois si le film a eu une dérogation pour le délai salle, débuterait la fenêtre d’exclusivité des autres chaînes gratuites sans accord avec le 7e art ainsi que celle des plateformes par abonnement n’ayant pas d’accord avec le cinéma mais respectant le niveau 2 du décret Smad. Leur durée d’exclusivité durerait 8 mois (7 mois si dérogation salle). Cette fenêtre pourrait démarré à seulement 22 mois en cas de fenêtre avancée.
La SVàD niveau 3 puis la VàD gratuite
La fenêtre des plateformes par abonnement respectant le niveau le plus faible du décret Smad, niveau 3, s’ouvriraient à 35 mois ou 31 mois pour un film ayant obtenu une dérogation salle. Et en cas de fenêtre avancée, ce délai pourrait être ramené à 29 mois.
Pour la VàD gratuite, aujourd’hui à 48 mois, le délai serait de 43 mois, ou 38 mois pour un film ayant obtenu une dérogation salle. IL pourrait descendre à 36 mois en cas de fenêtre avancée.
3e coupure publicitaire et assouplissement des règles de diffusion des films à la TV
Le scénario de compromis évoque en préambule trois éléments qui sont un préambule à l’accord, assez vagues.
La nécessité impérieuse d’intensifier la lutte contre le piratage : un principe sur lequel tout le monde est effectivement d’accord.
Un « accord sur la légitimité d’un assouplissement des règles de diffusion des films à la télévision et la 3e coupure publicitaire des films ». Ce sont des éléments demandés par les chaînes gratuites privées.
Et enfin, le document prévoit « l’ouverture par le CNC d’une réflexion afin de permettre à des œuvres conçues à l’origine comme cinématographiques de ne pas être exploitées obligatoirement en salle ».
Et aussi…
Les documentaires d’1M€ ou moins peuvent dans cette proposition solliciter des dérogations pour l’avancement de leur fenêtre de diffsion, à demandées auprès du CNC.
En cas de litige sur les délais d’exploitation d’une oeuvre quelle que soit la fenêtre d’exploitation concernée, le Médiateur du cinéma serait chargé d’un rôle de conciliateur.
LES PROCHAINES ÉTAPES
Les parties ont jusqu’au 19 mars pour faire part de leur position sur ce scénario de compromis. Leur réponse conditionnera ou non la poursuite de la médiation. En cas d’accord « dominant » selon le terme du document, la médiation se poursuivra avec l’objectif d’aboutir au texte final début avril. En cas de désaccord « dominant », elle prendra fin. Les parlementaires pourraient alors s’emparer de ce texte pour reprendre la main en vue de la future loi sur l’audiovisuel, envisagée fin 2018, comme la ministre de la Culture l’a rappelé récemment sur France Inter. Cette loi couvrirait alors tous les sujets audiovisuels, nombreux, dont celui aussi de l’audiovisuel public.
Sarah Drouhaud
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